Une vie entière dédiée à l'accordéon
C'est avec l''il pétillant qu'Altéro Betti, né en 1920 près de Bologne, en Italie, évoque ses souvenirs d'enfant. « Chez nous, c'était déjà un peu l'Europe ! Mon frère est né en France, ma s'ur en Allemagne et moi en Italie ». La France que ses parents, Frédérico et Annonciata choisissent pour s'établir en 1922, ouvrant une boucherie dans les Basses-Alpes (Alpes-Maritimes aujourd'hui).
A l'heure où les grands travaux des barrages se dessinent en Auvergne, un oncle les convainc de le rejoindre et les Betti s'installent à Saint-Julien-le-Pèlerin, en Corrèze, puis à Laval-de-Cère, dans le Lot.
A chaque fois, une boucherie épicerie apporte de quoi subvenir aux besoins de la famille. « On se déplaçait au fil des chantiers », se souvient Altéro.
Ainsi, vont-ils suivre la construction du barrage de Marège avant de se poser près de celui de l'Aigle, en 1937, où Frédérico ouvre une guinguette, en plus de ses habituelles activités professionnelles.
« J'ai commencé à la feuille »Qui dit guinguette dit musique et, dans la famille, on aime ça. Derno, l'aîné joue de l'accordéon et en joue bien, même s'il ne connaît pas la musique. Altéro s'est passionné à son tour. « J'ai commencé à la feuille (à l'oreille) » se souvient-il. A 14 ans, on lui offre son premier instrument et, pendant un an et demi, il se rend chaque semaine à Aurillac pour apprendre les bases du solfège et les accords, auprès de Pierre Redon, pianiste renommé. A une époque où les Auvergnats de Paris se ruent dans les bals pour entendre des musiciens célèbres, la coutume veut que, chaque année, ces mêmes interprètes se retrouvent pour des vacances cantaliennes.
Un concours interrégional d'accordéon est organisé le 23 août 1936, soutenu par des grands noms comme Louis Péguri, Maurice Alexander, Garrigoux, Monboisse et Pierre Redon. Altéro Betti a tout juste 16 ans et il rafle le premier prix, sans coup férir. Le sort en est jeté et, désormais, l'accordéon et lui ne feront plus qu'un… à vie.
En marge d'animer la guinguette familiale, il se lance dans les bals, tel un homme-orchestre avec une grosse caisse rivée au pied et une cymbale à portée de main. En 1945, les frères Betti tiennent le haut de l'affiche et Altéro est à la tête de son premier orchestre.
Le TrioletEntre-temps, car il faut bien vivre, le jeune homme a trouvé une situation professionnelle qui lui permet de subsister. Installé à Spontour, il a rencontré Odette, fille de Julien Espinasse, l'un des derniers gabariers de la Dordogne, qui l'initie à la pêche et lui enseigne son amour pour la rivière avec ses facéties, sa beauté et sa dangerosité.
Altéro devient pêcheur et va vendre ses prises au Central Hôtel, à Mauriac. Il ne pourra plus jamais s'éloigner de la Dordogne et inscrira ses souvenirs et émotions dans les textes qu'il composera.
Après une guinguette noyée en 1952 lors de la mise en eau du Chastang, le couple ouvre Le Triolet (un nom soigneusement choisi), auberge posée à l'entrée du pont.
La musique s'y installe aussitôt et les Betti transforment leur terrasse en parquet où, de partout, on vient danser. Une grande salle de bal sera ensuite ouverte à l'arrière de l'auberge, en 1954. Reprise par leur fille Frédérique, elle a traversé les décennies avant de fermer, définitivement, l'an passé.
Yveline David