Val, ou la noblesse du temps passé…
Difficile, lorsque l'on n'a pas connu le site avant la mise en eau du barrage de Bort-les-Orgues en 1951, d'imaginer la douce vallée qui voyait couler les flots de la Dordogne. Vaste paysage entouré de promontoires boisés, dont le creux se peuplait de villages et d'une vie quotidienne active.
Au c'ur des 21 kilomètres que couvre aujourd'hui la retenue, un site exceptionnel : Val, du terme Vallis signifiant « Vallée très large ». Les études archéologiques y révèlent la présence humaine très tôt puisqu'il aurait été occupé par des tribus sédentaires au Néolithique.
À l'époque gallo-romaine, un riche gaulois s'y installe, y fonde un grand domaine dont quelques vestiges ornent encore un mur de soubassement, dans la cour du château. L'insécurité semble amener à la construction d'un fortin en bois, sur l'éperon rocheux qui va, avec le temps, se transformer en forteresse féodale. On sait, en effet, qu'au X e siècle, s'élève un gros donjon carré aux angles en contreforts semi-circulaires.
Propriétairespendant trois siècles
La plus ancienne famille connue à Val est celle de Thynières, propriétaires en 1150. Ils vont le demeurer trois siècles et y apporter les premières modifications avec l'agrandissement du castel grâce à six tours rondes, assorties de deux autres, intégrées à l'enceinte. La noble maison de Thynières possède un autre château, dominant lui aussi la Dordogne, dont les ruines sont encore visibles.
Si l'histoire n'a pas retenu son nom, on sait néanmoins qu'un seigneur de Thynières fut le promoteur de l'église Saint-Jacques le Majeur, édifiée au XII e siècle à Lanobre. Hommes d'armes et d'église, ils se distinguent au fil du temps, atteignant l'apogée de leur réputation lorsque Pierre V meurt à la terrible bataille d'Azincourt, en 1415.
Son descendant, Guillaume III, en grande difficulté financière, vend terres et château en 1440 à Guillot d'Estaing, autre maison illustre en Auvergne comme en France. Pierre d'Estaing a, en 1214, sauvé la vie de Philippe Auguste à la bataille de Bouvines et obtenu le droit d'arborer les Fleurs de lys sur son blason.
Guillot entreprend la reconstruction du château, en fort mauvais état et lui donne, peu ou prou, son aspect actuel. Reprenant les fondations du XIII e siècle, il conçoit une forteresse digne de l'art architectural militaire de son temps.
Le pied conique des tours renforce les assises du château et les boulets lâchés des créneaux rebondissent sur les assaillants. L'entrée gothique aboutissant à l'escalier hélicoïdal qui dessert les étages est construite, fermée par une lourde porte en chêne (celle que l'on voit encore aujourd'hui). Les tours, couronnées de mâchicoulis sont coiffées de toitures à poivrière. La chapelle Saint-Blaise, enfin, est édifiée.
Toutes ces dispositions, assorties d'un solide mur d'enceinte, vont permettre à Val de résister aux hordes de routiers, pendant la Guerre de cent ans.
Des générations d'Estaing vont se succéder, conservant la notoriété et la prospérité du fief. En 1660, hélas, Joachim d'Estaing doit se résoudre à vendre la demeure de ses ancêtres. Alors qu'il se proclame attaché à ses racines, le seigneur de Val vit à Versailles, consacrant son temps à la rédaction d'une « Histoire généalogique » de sa famille. Pris pour cible, au regard de sa mollesse par Boileau, il devient la risée de ses contemporains.