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Des Polytechniciens dans la Résistance
au Barrage de l'Aigle
Des polytechniciens dans la guerre 1940-1944 dans les Archives de
l’école polytechnique
Chastang, Jean (X 1924 ; 1903-1971)
Né le 23/11/1903 Le Vigean (15)
Mariage à Nancy le 25/05/1929
Maire de Mauriac (15) 1944-1945
Décédé le 18/06/1971 à Buenos Aires (Argentine)
Qui à Mauriac a-t-il entendu parler de Jean Chastang ?
Qui était-il ? Qu’a-t-il fait ? D’où venait-il ? Qu’est-il devenu ?
Quelle était cette personnalité locale d’une sous-préfecture du Cantal ?
Essayons de le découvrir en évoquant son action passée.
Jean Chastang est né le 23 novembre 1903 dans la petite commune du Vigean, sur le canton de Mauriac (15), (Classe 1923 - Matricule au recrutement n° 555). C’était un natif du pays. Son père était Antony Chastang et sa maman Marie Tournade. Le 25 mai 1929, il se mariait à Nancy (54) avec Maria Schaub. On sait que lors de l’occupation allemande en France, à partir de 1943, il se trouvait sur la commune de Mauriac, dans sa région d’origine. (Promotion X 1924), où il aurait été médecin, car on l’appelait « Docteur ». Nous n’en avons aucune certitude ? Ce que l’on sait, c’est qu’il est décédé le 18 juin 1971 à Buenos-Aires en Argentine. Que faisait-il là-bas et depuis quand s’y trouvait-il ? Avait-il des enfants ? Que sont-ils devenus ? Et son épouse ?
En fait, on sait si peu de choses de son parcours, que ce soit avant ou après son engagement dans la lutte contre l’occupant.
Toujours est-il, que lors de cette période troublée où régnait la collaboration entre l’État français de Vichy et l’ennemi, il fut l’une des grandes figures issues de la résistance dans le Cantal.
Mais tout d’abord, pour relater son parcours, il nous faut replacer son action dans le contexte de l’époque.
Le Maire de Mauriac à ce moment là était Fernand Tallandier. Malgré la suspicion qui pouvait exister envers les anciens élus de la IIIème République,
il avait été maintenu malgré tout à son poste par les autorités de Vichy. Un sous-Préfet, Monsieur Turc, favorable à Vichy, y avait été nommé dans ce chef-lieu d’arrondissement.
Quelle était donc la situation politique dans le Département en 1943 ?
Succinctement, le Préfet de l’époque à Aurillac et les sous-préfets d’arrondissements étaient nommés par Vichy. Les troupes allemandes cantonnaient dans de nombreux endroits du département. Les forces de sécurité intérieures, la Sûreté Nationale, la Milice, les Groupes Mobiles de Réserve (GMR) et accessoirement la Gendarmerie, étaient chargées de rechercher et réprimer tout mouvement de résistance.
Celle-ci, bien que morcelée, était déjà active dans toute la zone sud du pays. Le Front National, les Francs Tireurs et Partisans émanation du Parti Communiste, étaient déjà passés à la lutte armée dès le début de l’occupation, mais surtout depuis l’invasion de l’Union Soviétique par l’Allemagne nazie à l’été 1941. Leur engagement se limitait principalement aux sabotages et attentats « terroristes » comme l’indiquait l’occupant.
Le 26 janvier 1943, les trois grands mouvements de résistance de la zone sud, « Combat » de Henri Fresnay, « Franc-Tireur » de Jean-Pierre Lévy et « Libération Sud » d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie, fusionnèrent pour constituer les « Mouvements Unis de la Résistance », plus communément appelés les MUR. Plus tard, en décembre 1943, cette organisation s’étendit à ce qu’on appelait auparavant la zone Nord occupée, pour intégrer trois autres grands mouvements, « Défense de la France », « Résistance » et « Lorraine ».
L’ensemble résultant de la volonté de Jean Moulin, délégué du Général de Gaulle chef des Français Libres de Londres, devint le « Mouvement National de Libération », le MLN, organisme qui intégra plus tard avec ses représentants le
« Conseil National
de la Résistance », le CNR.
En septembre 1942, avait été préliminairement créée une organisation à structure militaire devant dépendre des MUR, dès leur réalisation effectuée. Il s’agissait de « l’Armée Secrète ». Son rôle allait se préciser au fil du temps, mais il s’agissait surtout de préparer à la lutte armée à venir, de nombreux résistants futurs combattants destinés à la libération du pays. Leur action passait par le renseignement, la diffusion de journaux clandestins, la distribution de tracts, le recrutement, le recueil d’armements et d’explosifs, le sabotage et les attentats, avant de passer à la guérilla puis à la lutte ouverte face à l’occupant.
Jean Moulin (Rex) désigne le Général Delestraint connu sous le nom de « Vidal » pour prendre le commandement de cette structure militaire, mais malheureusement, le 9 juin 1943 cet officier général est arrêté par un agent de l’Abwer. Emprisonné, questionné et torturé durant 50 heures, il est déporté en Allemagne, où il décède le 19 avril 1945 à Dachau, assassiné, abattu d’une balle dans la nuque.
Pour la zone Sud anciennement zone libre, il fallait trouver un chef à la tête de l’Armée Secrète décapitée.
En février 1941, le Colonel Pierre Marie de Jussieu est affecté à la section des missions d’armistice à Clermont-Ferrand, travaillant de concert mais à contrecœur avec l’occupant. Immédiatement, sous le couvert de cette activité, il prend ses premiers contacts avec la résistance, principalement avec le mouvement « Combat » qu’il intègre puis prend la responsabilité des MUR pour la région R6 Auvergne, sous les pseudonymes de « Bourguignon », puis de « Félicien ».
Le 23 juillet 1943, après l’arrestation du Général Delestraint, il est nommé chef de « l’Armée Secrète » pour la zone sud sous l’identité clandestine de « Pontcarral ». En janvier 1944, il est nommé Général, puis devient Chef d’État Major des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) pour l’ensemble du pays, sous les ordres du Général Koenig.
Malheureusement, à son tour, le 2 mai 1944, il est arrêté à Paris par la Gestapo, emprisonné à Fresnes, déporté le 15 août 1944 à Buchenwald, puis à Dora, où il organise au péril de sa vie, le sabotage dans les usines de fabrication des V2. Le 15 avril 1945, il est libéré par les armées alliées du camp de Bergen-Belsen, et rejoint la France, où il est fait au même titre que le Général Delestraint à titre posthume, « Compagnon de la Libération » par le Général de Gaulle
C’est ainsi que nous nous retrouvons dans le département du Cantal, et plus particulièrement dans la ville de Mauriac.
Charles Périé, natif de Mauriac, issu d’une vieille famille commerçante de brasseurs de la localité « Bières, eaux gazeuses et charbon », refuse, dès la défaite et l’armistice connues, la collaboration avec l’Allemand. Très vite, en 1942, avec l’aide de l’un de ses amis, Tonin Bony, il s’engage dans la résistance, s’occupant de la diffusion de tracts et journaux clandestins, organisant et participant même à des manifestations d’opposition au régime de Vichy. Arrêté une première fois en novembre 1942, il est relâché, mais surveillé de près par les instances de Police.
Contacté par le Colonel de Jussieu alors identifié sous le nom de « Félicien », il lui est demandé de passer à un niveau supérieur et d’organiser la résistance sur l’arrondissement de Mauriac. C’est ainsi que sous l’alias de « Potard », il devient responsable des MUR pour Mauriac et sa région, assisté dans cette tâche par ses Amis Maurice Bergeron et Jean Chastang
Le 2 avril 1944, il était arrêté par les Allemands dans une vaste opération de répression sur tout le secteur de cette région. Emprisonné, torturé à plusieurs reprises, il fut déporté au Struthof en Alsace, puis à Dachau et enfin à Allach en Allemagne, d’où il fut libéré mourant le 2 mai 1945 par les armées françaises. C’est à l’hôpital de Spire qu’il s’éteignit quelques jours seulement avant la capitulation de l’Allemagne nazie. Il fut l’âme du mouvement clandestin à Mauriac et devint l’un des martyrs cantaliens de la Résistance.
Il avait néanmoins eu le temps d’organiser les prémices de la lutte armée dans cette partie du département, en confiant à Jean Chastang, la mission de créer une unité militaire de l’Armée Secrète sur l’ensemble de l’arrondissement. Charles Périé arrêté, Jean Chastang que l’on désignait également sous le titre de « docteur Chastang », occupa ces responsabilités en le remplaçant dans ses fonctions. Il devint le Commandant Chastang des MUR et de l’AS pour Mauriac, agissant sous le pseudonyme de « Constant ».
Document Mauriac pour Tous
Le bulletin d'information de la Ville de Mauriac
FEMME DE TÊTE À L’INCROYABLE ÉNERGIE ET MAIRE DE MAURIAC DE 1945 À 1953
Raymonde Périé fut l’une des premières femmes à être élue maire en France. Elle a laissé sa marque à Mauriac, en étant à l’origine
de nombreuses réalisations structurantes.
Lorsque l’on évoque le nom Périé, le prénom de Charles est, sans doute, celui qui vient à l’esprit de la plupart des gens. Et pourtant… Sa veuve, Raymonde a, pendant huit ans et à une époque où tout était à reconstruire, fait preuve d’une énergie débordante et d’une lucidité remarquable pour redonner à la sous-préfecture un élan irrésistible. Raymonde Ribeyrote naît le 22 avril 1907 à Mauriac, fille d’un marchand de toile connu de tous, Ernest. Après des études à Notre-Dame, elle rencontre et épouse, en juin 1931, Charles Périé dont le père dirige l’enseigne "Bières, eaux gazeuses et charbon". Le couple aura deux enfants, Claudie et Gilbert. On pense peu à la politique, dans la famille. Charles est dynamique, sportif et bon copain pour son entourage. Raymonde se consacre aux siens, tout en participant aux activités de l’entreprise. La guerre vient bouleverser cette existence paisible. Résistant, Charles est arrêté en avril 1944 et déporté. Raymonde ne le reverra pas. Il meurt à Spire (Allemagne)
Suite page Jean Chastang,
Nous allons à ce stade, tenter de cerner la personnalité de Jean Chastang qui pour certains d’entre nous demeurait un illustre inconnu. Comme nous l’avons relaté plus haut, il était né le 23 novembre 1903 au Vigean dans le Cantal, où il avait été élève à l’école primaire du village. En 1914, il entrait au collège puis intégrait le lycée de Mauriac, où très vite il se faisait remarquer par sa grande intelligence et sa puissance de travail. Il progressait dans ses études secondaires de la sixième à la classe supérieure de mathématiques élémentaires. Il obtenait son baccalauréat avec mention, et durant sa scolarité obtint régulièrement des prix d’Excellence et la plupart des premiers prix.
En 1921, il était admis à l’École Spéciale Préparatoire du Lycée Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, puis en 1924 à l’École Normale Supérieure (Sciences), et enfin dans la prestigieuse École Polytechnique (l’X), d’où il sortait en 1926 avec le grade de Sous-Lieutenant du Génie. Après son stage de formation d’une année à l’École d’Application du Génie de Versailles, il était affecté comme Lieutenant au 18ème Régiment du Génie des Transmissions à Nancy.
Ce régiment fut créé le 10 avril 1923 pour être basé à Toul et Nancy. Il comprenait quatre bataillons, les deux premiers cantonnés à Nancy, le troisième à Lille et le quatrième à Grenoble. Chaque bataillon comprenait 4 compagnies de sapeurs, une compagnie de radiophonie, une compagnie de télégraphie, une compagnie colombophile, et une compagnie mixte.
Peu de temps après son affectation, Jean Chastang, était dirigé sur l’Armée du Levant en Syrie où il intégrait l’une des trois compagnies du génie et des transmissions du 43ème Bataillon, dans lequel il fut certainement promu au grade de Capitaine. A l’issue de ce séjour de plusieurs années, il regagna la France en 1928 ou 1929, nous n’avons pas de date certaine, son état signalétique des services n’étant pas disponible dans les archives départementales du Cantal. C’est vers la fin de cette décade ou au début des années 1930, qu’il termina sa carrière militaire avec le grade probable de chef de bataillon de réserve.
Nous savons que le 29 mai 1929, il épousait Maria Schaub qu’il avait dû rencontrer à Nancy, la localité où son régiment était en garnison dans les années vingt. Il semble, mais sans certitude, que six enfants naquirent de leur union ; Jean, Pierre, Jeanne, Marie-Louise épouse Jancoux, Marguerite et Germaine, épouses des frères Perry.
Après avoir quitté l’Armée, son titre d’ingénieur de Polytechnique en poche et ses compétences acquises comme technicien émérite dans le domaine des transmissions, il occupa durant les années trente avant le second conflit mondial, plusieurs fonctions commerciales. C’est donc ainsi qu’on le retrouve dans les années 1940 dans la région de Mauriac, son pays d’origine. C’est avec son titre de chef de bataillon et son admirable expérience militaire vécue en Orient, qu’à partir de l’année 1943, il intégra la résistance.
Avec Charles Périé tout d’abord, puis sous sa seule responsabilité, l’ingénieur Jean Chastang participa à la création du premier maquis AS de la région. Il s’agissait du « Corps Franc Gréco » placé sous le commandement du Capitaine FFI Arthur Athènes dit « le Grec ». Un second corps franc « Page » fut également constitué sur Mauriac mais agissant également sur la commune de Bort-Les-Orgues dans le département de la Corrèze.
Cette première unité constituée à partir de 1943 était implantée sur la commune de Riom-Es-Montagne. A terme, au printemps 1944, elle comptait quatre compagnies à l’effectif d’un bataillon de près de 300 hommes. Son chef, Arthur Athènes originaire de la commune de Saint-Amandin, répartit ses effectifs en plusieurs endroits sur le secteur allant de Mauriac, à Bort-les-Orgues, Condat-en-Feniers, Neussargues, Murat, le Puy Mary. L’unité comprenait également une section de renseignement, une section de sabotage, un groupe automobile et une section sédentaire. Son chef ne prenait ses ordres uniquement qu’auprès du Commandant Chastang. Il bénéficiait d’un état major auquel était rattaché deux médecins militaires.
Son épouse, Alice, Lieutenante FFI, ex-avocate, chargée du renseignement au sein du corps Franc sous le pseudonyme de « Antarès », fut arrêtée par la Gestapo le 26 mai 1944, torturée sans jamais parler, et déportée dans le sinistre camp de Ravensbruck, d’où elle revint un an plus tard très éprouvée.
Le 6 juin 1944, dès l’annonce du débarquement allié, les premiers éléments ORA du groupement Decelle, le bataillon « Didier », Français, Polonais, Nord-Africains et Espagnols, venant du barrage de l’Aigle se dirigent vers les monts du Cantal pour s’installer au Col de Néronne et au Puy Violent. Plusieurs unités vont y stationner dans des « burons » durant plusieurs semaines, montant en puissance leurs effectifs et leur armement. Le Bataillon « Eynard » du Commandant Playe s’installe dans la région d’Auzeres-le-Monteil, tandis que le bataillon « Allard » du Colonel Merlat prend position dans le secteur d’Allanche et le bataillon « Renard » du Commandant Thollon se répartit le long de la ligne de crête allant de Pleaux au Lioran, contrôlant les deux axes Mauriac-Aurillac et Aurillac-Murat. La période du mois de juillet sera destinée à l’instruction et à la préparation aux combats des centaines de recrues en attendant l’arrivée des armes tant espérées.
C’est aussi à cette date qu’est décrétée « la République Libre de Mauriac ». Le Commandant Jean Chastang ainsi que les responsables MUR et AS de la région, prennent sans violences possession des services et institutions de l’État Français. Le Maire Tallandier et le Sous-Préfet Turc étaient laissés en place en façade pour les autorités et l’occupant, mais ils étaient placés sous contrôle permanent du nouveau Comité de Libération, structure clandestine qui détenait réellement le pouvoir et confiait ces nouvelles responsabilités entre les mains de la résistance.
Dès le 9 juin suivant, affluaient et s’installaient sur Mauriac, toutes les personnalités civiles de la résistance issues de la zone Sud. Les autorités civiles et militaires de cette résistance, toutes obédiences confondues, allaient préparer les futures rencontres et discussions des 12 et 13 juillet à la Forestie et au barrage de l’Aigle, décidant de la création des FFI pour la région Auvergne.
Le 20 juillet, y était créé et s’y installait « le Conseil Départemental de la Résistance » dirigé par Jean Lépine, ville qu’il quitta pour Aurillac, la Préfecture, le 11 août suivant, après le départ des Allemands et Miliciens.
Il est évident, que toute cette organisation et la logistique qui en découlait, sans parler de la sécurité, n’a pu se faire que par l’engagement personnel de Jean Chastang, responsable des MUR de cette localité dont il avait pris le contrôle.
C’est dans ce contexte, que sur son ordre, le Corps Franc « Greco » redéploie son dispositif. Les quatre compagnies du bataillon sont dirigées vers le Camp de Saint-Genés ainsi que 4 officiers dont les deux médecins. Un détachement est envoyé sur la Margeride. La compagnie « Mougenot » sur le col de Néronne. Les trois groupes, automobile, de sabotage et sédentaire sont conservés sur le maquis de Chassigny sous les ordres du Capitaine « Greco ».
La compagnie « Mougenot » de l’Armée Secrète dans laquelle sert l’Adjudant FFI Victor Guéroc se met à la disposition du bataillon « Didier » de l’ORA. Ancien radio-volant de l’aéronavale, ayant des connaissances en radiophonie, en photographie et comprenant l’Allemand il se fait surnommer « Dahu-Daru », son nom d’emprunt. Il servait au groupe de renseignements. On connaît les circonstances dans lesquelles, le 20 juin 1944, en mission de reconnaissance, il se fait arrêter par une colonne allemande, conduit à Saint-Paul-Les Landes, où alignés devant le cimetière, il est fusillé dans le dos avec ses trois compagnons d’infortune, Oswald Ortis, les frères Raymond et Jean-Marie Roux.
Bien qu’appartenant au mouvement de l’Armée Secrète dans le Corps Franc « Greco », c’est sous les couleurs de l’ORA, détaché en renfort au sein du bataillon « Didier », que Victor Guéroc est tombé au champ d’honneur, mort pour la France.
A partir du 15 juin 1944 et les jours suivants, les compagnies AS du Mont Mouchet dans la Margeride et de Clavières à Chaudes-Aigues, très éprouvées, refluent parfois sans arme, avec charge de blessés, vers les monts du Cantal. Elles se réfugient vers le Lioran, le long de la vallée de la Dordogne et à l’abri en d’autres lieux sûrs dans le département. Le Commandant Chastang sollicité, entame les contacts nécessaires avec l’État Major régional des MUR et de l’ORA, pour prendre en compte ces maquisards épuisés, et les répartir dans les différents camps de la région. Avec l’accord du Colonel Fayard (Mortier), les groupements de l’ORA et les Corps Francs locaux de l’AS, permettent à ces hommes démoralisés de reprendre les forces nécessaires et la confiance dans l’avenir, et surtout de reconstituer leur potentiel militaire grâce aux parachutages d’armes promis par les alliés.
Le 9 juillet 1944, une réunion est organisée à Riom-Es-Montagne, entre les principaux chefs de la résistance AS afin de définir les actions à venir dans la région, et aussi envisager l’unification des divers mouvements de résistance prévue à l’Aigle le 13 juillet suivant. Arthur Athènes (Gréco) y participe, ainsi que le Commandant Chastang (Constant), l’ingénieur René Grégoire (Urbain) du barrage Saint-Etienne-Cantalès, chef départemental de l’AS du Cantal, le Lieutenant FFI Robert Monier (Lesure), Architecte et ingénieur des Travaux Publics, chef du secteur AS, et le Commandant Oswald (Olivier), chef de sûreté de l’AS.
Survient une colonne allemande allant de Murat à Bort estimée selon les protagonistes de l’époque à une demi-division. On ne devait pas être loin du compte, car il s’agissait du groupement allemand « Coqui ». Cette unité de près de 1.200 hommes comprenait 2 ou 3 compagnies de reconnaissance, le 2ème bataillon à 3 ou 4 compagnies du 1.000ème Régiment de Sécurité et 3 compagnies des Tatars de la Volga, soit deux à trois cent véhicules. Le groupe mobile de protection du Corps Franc qui assure la sécurité de la réunion, est surpris par les premières unités de reconnaissance et doit se replier tout en ripostant à l’attaque ennemie. Cherchant à fuir, les cinq responsables militaires de l’AS sont pris sous le feu des Allemands.
René Grégoire et Robert Monier tombent mortellement blessés sous les balles ennemies. Ils ne se relèveront pas. « Urbain » meurt tué sur le coup et « Lesure » décédera le lendemain. Les trois autres, Jean Chastang, Arthur Athènes et Oswald, parviennent à s’échapper et se mettre en sûreté. La résistance du Cantal venait de perdre l’un de ses chefs les plus prestigieux, courageux, silencieux et habile, l’ingénieur René Grégoire. Il sera remplacé dans les jours suivants par Jean Serrero.
La fuite de ces trois survivants le devait grandement au courage de deux jeunes résistants FFI, l’un originaire de Clermont-Ferrand qui blessé malgré tout, parvint lui aussi à s’enfuir. L’autre, le Lieutenant FFI Georges Laurent de Lempdes, surnommé « Zozo », avait été membre des réseaux « Mithridate » et « Combat ». Ils firent face aux Allemands, accrochés à leur fusil-mitrailleur et prêts à se sacrifier pour retarder leur avance. Le second Georges Laurent, fut pris et fusillé, victime d’un crime de guerre. Trois officiers FFI venaient de perdre la vie pour libérer la patrie.
Le 11 juillet, sur proposition de Henri Ingrand dit « Rouvre », Commissaire de la République de la région R6, Jean Chastang, confiait au Capitaine « Greco », la mission de chef de Police pour l’ensemble de l’arrondissement de Mauriac, mission qu’il assura jusqu’au 31 août suivant. Les militaires de la Gendarmerie, les fonctionnaires de Police et les gardes de communications passaient sous ses ordres. Il y eut peu d’arrestations, une dizaine de suspects seulement détenus dans la prison de la ville. Deux hommes, miliciens ou collaborateurs probablement, condamnés à mort, furent conduits sur la commune de Chalvignac, au barrage de l’Aigle peut-être, où ils furent fusillés.
A l’issue de la réunion de tous les chefs FFI de la Région R6 à Aynes le 13 juillet 1944, et du parachutage de Pleaux le lendemain 14 juillet sur le terrain « Serrurier », le Commandant Chastang donne ses directives au Corps Franc « Greco » pour les semaines et mois à venir.
Tout d’abord, la création d’un réseau de renseignements et d’écoutes permanentes sur trois secteurs définis de la zone de Mauriac, en liaison avec le dispositif « Lafayette » de l’ORA et les PC d’états majors de toutes les unités FFI de la région. Les postiers et postières de chaque village en étaient l’âme, sans oublier les cheminots, les gendarmes et gardes-champêtre.
Puis, l’organisation d’un service de santé à caractère inter-départemental comme l’avait demandé le chef du service de santé régional, le commandant Max Menut dit « Bénévole », ayant confié cette responsabilité au chirurgien, le docteur Max Meyer. Les blessés pouvaient être conduits et admis à la clinique de Riom-Es-Montagne pour être opérés sous la responsabilité d’un chirurgien, le docteur Edmond Courty. Un hôpital militaire clandestin était créé au Cheylade sous la responsabilité des docteurs Serre père et fils destiné aux convalescents. Un second hôpital auxiliaire était installé à Collandres. Les Médecin-Capitaine GuyTrouchet dit « Chamarou » et le Médecin-Lieutenant Alexandre Ternier dit « Scalpel », officiers FFI, ainsi que les docteurs Georges Delteil, Maire de Riom-Es-Montagne, Georges Godenèche, Jean Simon et le Commandant de réserve pharmacien Alphonse Fournier, apportaient leurs concours à la prise en charge et aux soins des blessés, qui nombreux affluaient de toute la région, depuis la Corrèze, le Cantal, le Puy-de-Dôme et la Haute-Loire. Certains d’ailleurs transitaient d’abord par l’infirmerie du barrage de l’Aigle, où le docteur Dreyfus aidé du docteur Morillon dit « Esculape », pharmacien à Mauriac, qui selon la gravité de leurs blessures, les orientait vers l’hôpital de Riom-Es-Montagne. Deux autres médecins, le chirurgien Bloch et le docteur Debidou, accompagnés de deux infirmières venant du Mont-d’Or, seront un renfort apprécié mais éphémère durant cette période. La magnifique réalisation de cette structure médicale clandestine régionale est à mettre à l’actif de Jean Chastang.
Aussi, la création d’un service de sécurité avec une mission de police du maquis dédiée au Corps Franc et l’édification d’un camp d’internement à Saint-Angeau, avec la participation des brigades de Gendarmerie, des policiers et gardes communaux du secteur pour la surveillance des prisonniers français ou allemands.
Également, la création d’un service d’intendance et de réquisitions pour le ravitaillement des maquis et le fonctionnement des hôpitaux.
Enfin, un service de parc automobile et de réparations, comprenant cinq motos, trois side-cars et cinq voitures mis à la disposition des hommes du corps.
Jean Chastang assumant là son rôle en totale responsabilité d’officier supérieur de la résistance, et donnant en ce sens les ordres adéquats au Capitaine Arthur Athènes, venait là d’organiser une
unité FFI à structure typiquement militaire. Les grandes qualités de cet homme d’exception, la finesse de son intelligence et l’autorité naturelle qu’il dégageait, lui permirent d’être à la
hauteur de cette tâche particulièrement délicate de pouvoir organiser la résistance à l’occupant, ceci dans des circonstances souvent difficiles, voire au péril de sa vie, comme nous avons pu le
voir.
Fin août 1944, désigné Maire de Mauriac par le Comité Départemental de la Résistance, c’est en compagnie de Madame Périé, qu’il accueillit à la Mairie et devant le monument aux morts de la commune, les officiers et soldats du commando américain OSS « Lindsey ». Il occupa ce poste et les fonctions qui y étaient attachées, jusqu’au élections de 1945 où il dû laisser sa place à Madame Périé.
L’épouse de Charles Périé, Madame Raymonde Périé, née Ribeyrote, avait été élue conseillère municipale sur la liste des élus de la ville de Mauriac. Son mari, bien qu’absent déporté en Allemagne,
figure de la résistance, avait été désigné tête de liste pour ces futures élections de 1945. Madame Périé s’était rendue en Allemagne pour le rapatrier, mais il était mort alors qu’elle était en
route pour le rejoindre. Ce fut donc tout naturellement, en remplacement de son défunt mari, qu’elle fut élue Maire de la commune, poste qu’elle occupa jusqu’en 1953, soutenue en cela par la
population, les élites de la résistance et les diverses autorités du département de cette République nouvellement rétablie.
En juillet 1945, c’est en tant que première magistrate de la commune qu’elle accueillit le Général de Gaulle en visite officielle dans le département.
A partir de là, que devint le Commandant Jean Chastang ? Après la guerre, c’est en qualité d’ingénieur et spécialiste des télécommunications, qu’il entra à la Compagnie Générale Thomson-CSF. Durant une vingtaine d’années, c’est qu’en tant que technicien expérimenté et commercial apprécié, qu’il parcourut le monde entier en tant que représentant de cette société. Après plusieurs séjours en Amérique et en Australie, il perdit malheureusement la vie à Buenos-Aires en Argentine, le 18 juin 1971, dans un tragique et banal accident d’ascenseur. Quelle triste fin pour un homme d’une telle aura et à l’issue d’un parcours hors du commun. C’est au mois d’octobre suivant que son corps sera rapatrié d’Argentine en France et sa dépouille inhumée dans le petit cimetière du Vigean.
Pour son épouse et les membres de sa famille, la disparition de cet homme d’une grande simplicité, discret, dévoué, d’une gentillesse avérée, d’une fine intelligence et d’une capacité de travail étonnante, fut une cruelle épreuve.
Lieutenant-Colonel de réserve et chevalier de la Légion d’Honneur, Jean Chastang semble ne s’être jamais fait recenser comme résistant et n’apparaît aucunement sur les listes d’homologation des Forces Françaises de l’Intérieur ni être titulaire de la Médaille de la Résistance. Quel oubli et quel manque de reconnaissance pour un homme qui a porté au plus haut les valeurs de Liberté et défendu avec une telle volonté la grandeur de la France. Pourquoi ? C’est une question, à cette date, à laquelle nous ne pouvons répondre…
Toujours est-il que son action dans la région de Mauriac a laissé une trace indélébile, et que son engagement glorieux au titre de la résistance pour la libération du pays a été exemplaire. Au même titre que Charles Périé, il a été et demeurera face au despotisme et à l’ignominie de ces années de plomb, l’une des figures incontournables du refus, de l’espoir, de l’abnégation et du courage, en lutte pour la Liberté retrouvée.
Rendons-leur l’hommage qu’ils méritent, car tous ces hommes et toutes ces femmes d’une volonté farouche représentent par leur engagement et leur action le flambeau de l’exemplarité à suivre aux yeux des générations futures.
C’est cela le devoir de mémoire !
Sur le site de Xaintrie-Passion, dans l’une des pages traitant de la résistance dans cette partie nord-ouest du Cantal, nous avions évoqué l’épisode relatant l’unification des divers mouvements de résistance dans la région R6 Auvergne, réunion
qui s’était déroulée dans le hameau de la Forestie et au barrage de l’Aigle, les journées des 12 et 13 juillet 1944.
Nous avions noté et relaté la présence à plusieurs reprises de Jean Chastang à certaines de ces réunions clandestines préliminaires à la création des FFI d’Auvergne apparues le 13 juillet au hameau de Aynes.
Le 12 juillet, « Constant » était à La Forestie, trois jours seulement après avoir échappé à la mort lors de l’accrochage du 9 juillet à Riom-Es-Montagne, où deux responsables de l’Armée Secrète, perdirent la vie « Urbain » et « Lesure ».
Vous pouvez revoir et relire cette page de l’histoire locale du Pays de Mauriac, dont voici ci-après un paragraphe tiré de ce document.
« Début juillet, de nombreuses réunions préparatoires se déroulent un peu partout dans la région R6, à Clermont-Ferrand, à Mauriac, à Neuvic d’Ussel, à La Forestie et à Aynes, avec de nombreux interlocuteurs de tous les mouvements clandestins, régionaux comme nationaux, désirant débattre de la création à venir des futures unités F.F.I. et de la nomination d’un chef à leur tête désigné à ce titre. »
« Au fur et à mesure de ces rencontres échelonnées dans le temps, pouvaient être présents les participants suivants ; Alexandre de Courson de la Villeneuve (Pyramide), responsable D.M.R. Délégué Militaire Régional du B.C.R.A., Maurice Bourguès-Mauroury (Polygone) responsable D.M.Z. Délégué Militaire Zonal Sud du B.C.R.A. représentant le Général Koenig, Émile Coulaudon (Gaspard), Henri Ingrand (Rouvres), Marcel Degliame (Dormoy) du C.O.M.A.C. Comité d’Action Militaire du Conseil National de la Résistance, Pascal Copeau (Salard) du M.L.N. Mouvement de Libération National, Colonel Georges Rebattet (Cheval) responsable des liaisons inter-régionales, Capitaine Gaston Monerville (Edmond) son adjoint, Pierre-Paul Ulmer (Député), responsable S.A.P. des parachutages et terrains d’aviation clandestins en remplacement de Yves Léger (Évêque) assassiné par des agents de la Gestapo, Michel Dequaire (Symétrie) chargé des missions militaires auprès du D.M.R., Étienne Bauer (Persée) responsable du mouvement Libération-Sud, Jacques Beaumel (Rossini) du Mouvement de Libération National, Commandant Jean Mazuel (Judex), chef du Corps Franc des « Truands », Commandant Antoine Llorca (Laurent), du 1er Corps Franc d’Auvergne, Commandant Jean Chastang (Constant), Maire de Mauriac ayant succédé à Charles Périé (Potard), ancien Maire et chef des MUR, arrêté et torturé par la Gestapo, déporté en Allemagne dont il ne revint pas, Guy Vivier (Isotherme) remplaçant du D.M.R. (Pyramide) arrêté le 2 juillet par la Gestapo et exécuté le 14 août suivant, Lt-Colonel Saurer (La Meuse), représentant les Milices Patriotiques des F.T.P., et probablement d’autres qui n’ont pas tous été identifiés. »
Groupements de Résistance
du Barrage de l’Aigle
Le Buron de la Résistance
Chalvignac (15)
Sources : - Familles Chastang et Perry
- L’Aigle sur Dordogne de Jean-Louis Salat
- La libération désirée de Manuel Rispal
- A nous Auvergne de Gilles Lévy
- Mémoires des Hommes.Gouv.fr
Document Mauriac pour Tous
Le bulletin d'information de la Ville de Mauriac
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Né le 23 février 1914 à Quimper (Finistère), exécuté sommairement le 20 juin 1944 à Saint-Paul-des-Landes (Cantal) ; photographe ; résistant au sein des Forces françaises de l’intérieur (FFI).