Un regard sur l'histoire de la Dordogne
Elle a volontairement choisi de nommer son ouvrage Dordonha (prononcer Dourdounia), car ce mot occitan lui semble plus doux que l'appellation Dordogne, plus rugueuse. La passion de Claudine Hébrard pour cette rivière transparaît dans tous ses mots et les flots tumultueux semblent habiter son regard. Cet amour lui est venu petit à petit, lié à des rencontres et à des découvertes, puis à des recherches longues et approfondies.
Tout d'abord, il y a la vidange complète du barrage de l'Aigle, en 2001, qui redonne à la vallée quelques bribes de son histoire et de son aspect d'antan. C'est comme un déclic. Les villages engloutis lui apparaissent, figés dans le temps mais qui semblent conserver une vie propre et une mémoire intacte de ce qui a été le cadre de vie de générations passées, dont les descendants ont été inexorablement expulsés et immolés sur l'autel de la modernisation. « Dordonha n'était pas qu'une rivière, si capricieuse ait-elle été, déclare l'auteure. Elle était la nourricière de cette vallée dans laquelle la vie était rude mais empreinte de valeurs profondes. Elle véhiculait une histoire humaine et authentique. »
L'intérêt ébauché va se transformer en une véritable passion lorsque la libraire rencontre Ginette Aubert, peintre dont le talent n'est plus à prouver. Son enfance et sa jeunesse sont marquées par la rivière sur laquelle, à La Ferrière, sa famille tenait un restaurant. Écorchée vive par cette histoire perdue, l'artiste conjure ses regrets mêlés de rancune en produisant un livre, La vallée enluminée, publié en 2008. Le contact entre les deux femmes est la révélation d'une future connivence, voire d'une symbiose. « Nous ressentons les mêmes perceptions », affirme Claudine Hébrard. Pour les traduire, elle met en route un projet qui va durer trois ans, retracer l'épopée de la rivière, depuis sa source au Sancy, jusqu'à Argentat. « C'était magique. J'écrivais les textes le matin et Ginette peignait l'après-midi. »
Un troisième personnage rejoint l'aventure, Olivier Payrat, musicien occitan et photographe, qui ajuste son zoom au regard de l'auteure. Il partage la tâche avec Jean-Christophe Mathias qui aime à fixer les instants précieux de la nature sur sa pellicule. Josiane Boureau Le Bourrhis apporte des aquarelles aux couleurs chatoyantes.
Le fruit de cette longue collaboration est un pur régal dont on doit l'édition à l'association « Coneissança », créée en janvier par Olivier Payrat et dont l'objectif est de faire connaître et valoriser le patrimoine local. Mêlant réel et intemporel, authenticité et mythes, Dordonha entraîne le lecteur dans un voyage palpitant au fil des méandres de la rivière.
Une suite, au moins, attend l'ouvrage. Dordonha ne s'arrête pas à Argentat et suit son chemin jusqu'à l'Atlantique, sous un aspect bien différent que Claudine Hébrard entend bien découvrir.
Yveline David